Nouvelles Philip Shaw

L'interdépendance des devises américaines et canadiennes définit nos opportunités commerciales

02 août 2020, Philip Shaw

Il est évident que nous vivons des temps difficiles. Je suis sûr que tout le monde en a assez de la Covid19, mais cela ne veut pas dire qu'il faille occulter son importance. La distanciation sociale et le travail en commun ont aidé l'Ontario à réduire le taux d'infection tout en maintenant le virus à distance. Nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge, en fait, nous ne le serons pas tant qu'il n'y aura pas de vaccin. Pour l'avenir, nous ne pouvons qu'espérer que cela sera plus facile. La vie de cette façon est contraignante et dangereuse. Elle n'a certainement pas été bénéfique pour notre économie non plus.

Aujourd'hui, nous avons appris à quel point le problème des fermetures dues au Covid-19 a affecté les États-Unis au cours du deuxième trimestre 2020. Au cours du dernier trimestre, l'économie américaine s'est contractée d'un tiers en taux annualisé. C'est énorme, la plus forte chute depuis la grande dépression que les Américains tentent encore d'inverser. Cependant, les choses s'aggravent dans certaines régions du sud des États-Unis.

Les Américains ont des circonstances qui leur sont propres, ce qui a rendu la réponse à la pandémie pire que presque partout ailleurs dans le monde. Une grande partie de la population considère la pandémie d'un point de vue politique, ce qui a polarisé une grande partie de la réponse. Ajoutez à cela l'idéal de liberté individuelle aux États-Unis et il n'était pas trop difficile d'imaginer qu'au début de la pandémie, les Américains auraient du mal à l'accepter. Avec une chute de 33 % de leur PIB au cours du dernier trimestre, cela montre à quel point la pandémie a coûté cher à l'économie américaine. Nous ne pouvons qu'espérer qu'ils la surmonteront d'une manière ou d'une autre, ce qui permettrait une bien meilleure reprise.

Dans cet environnement économique, le dollar américain a continué à être le rocher de Gibraltar des monnaies mondiales. Il a baissé régulièrement jusqu'à ces dernières semaines, car il reflétait en partie l'augmentation des infections COVID aux États-Unis et le possible ralentissement économique qui en découlerait. À la mi-mai 2020, le dollar américain avait une valeur d'indice d'environ 100 et, dans les semaines qui ont suivi, il a diminué pour se situer actuellement aux alentours de 93. Bien sûr, c'est une arme à double tranchant, car un dollar américain plus faible est généralement bon pour les prix des produits agricoles à la bourse, mais c'est aussi un indicateur d'une économie américaine en difficulté.

Du côté canadien de la frontière, un dollar américain fort signifie généralement un dollar canadien faible et vice versa. C'est exactement ce que nous avons vu si vous regardez les deux graphiques. La valeur du dollar canadien, qui est une monnaie peu négociée, est très importante. Cependant, ma règle de base est que la valeur du dollar canadien évolue généralement de manière inverse à celle du dollar américain. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons presque vu cette semaine le dollar canadien franchir la barre des 75 cents américains. Jeudi, le cours du dollar canadien à midi était de 0,7440 USD.

Bien sûr, toutes ces fluctuations monétaires ont un effet sur les prix du soya et du blé en Ontario et au Québec, et dans une moindre mesure sur ceux du maïs. Généralement, les agriculteurs canadiens peuvent s'accommoder d'un dollar canadien à 0,7440. Cela donne l'illusion générale que nous faisons mieux que nos amis américains en matière de prix. Avec le temps, cette illusion s'enracine dans l’esprit des agriculteurs canadiens à mesure que nous apprenons à vivre avec cette vision des choses.

Cela semble évident aujourd'hui, mais vendre les grains à des prix fixes alors que le dollar canadien a brièvement chuté sous les 70 cents le 20 mars aurait été une bonne chose. Vendre du blé de printemps au comptant ce jour-là était une chance inouïe. Cependant, tout reposait sur le fait que le dollar canadien s'était déprécié à cause de l'hystérie provoquée par la crise du Covid-19. On peut aussi parler de la monnaie brésilienne qui fonctionne à l'inverse du dollar américain. En termes simples, les fluctuations monétaires ont d’importants effets sur les prix comptants des grains en Ontario et au Québec.

J'apprécie vraiment l'aspect économique des fluctuations monétaires. Il va sans dire que la plupart des agriculteurs n'aiment pas ça, car les cultures de couverture seront toujours bien plus sexy que le marketing et l'économie. Il va sans dire qu'il est toujours bon de réfléchir à ce sujet. À quoi ressembleraient les prix des grains de l'Ontario et du Québec avec un dollar canadien à 80 cents ? Comment un dollar canadien à 85 cents modifierait-il cette équation ? Comment en atténuer le risque sur les prix?

C'est ce qu’il y a de plus difficile pour les agriculteurs canadiens. J'y ai pensé toute ma carrière et le mieux que je puisse faire est de vendre à prix fixe et d'avoir des ordres de vente toujours prêts. Essayez de vous familiariser avec des sources de base crédibles pour les grains, tout en essayant d'évaluer les possibilités de base dans des endroits comme Coburg en Ontario ou Ste-Ange au Québec. Il peut être difficile d'appuyer sur le bouton de vente, mais quand vous le faites, ne regardez jamais en arrière. L'environnement économique agricole est complexe. La gestion des risques ne se démodera jamais. Mais elle est aussi constamment en mouvement. La Covid-19 nous l'a rappelé. La mettre en pratique a vraiment été un grand défi.


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