Le prix des grains,  souvent plus bas à la récolte, nous fait généralement croire qu’il est rentable d’entreposer nos grains pour profiter des prix plus hauts au courant de l’année suivante. Mais est-ce vraiment le cas? Pour répondre à cette question, il intéressant de calculer en premier lieu ce qu’il en coûte réellement d’entreposer son grain.

Calculer ses frais d’entreposage

Pour bien évaluer le coût d’entreposage de vos grains, il faut calculer :

1.    les frais variables,
2.    les frais fixes,
3.    l’intérêt relié à garder ses grains plutôt que de les vendre récolte.

Les frais variables comprennent :

•    l’électricité,
•    l’assurance de l’inventaire et des silos,
•    la main d’œuvre,
•    l’entretien des équipements,
•    la perte au nettoyage,
•    la manutention,
•    le transport supplémentaire.

Pour ce qui est des frais fixes, ils doivent comprendre

•    le capital et l’intérêt mensuel sur les prêts reliés aux infrastructures
•    l’amortissement des silos et des équipements.

On doit aussi être en mesure de calculer l’intérêt relié à garder ses grains. Pour se faire, il vous suffit de calculer :



Pour terminer et obtenir votre coût d’entreposage par mois, vous divisez le total mensuel des frais variables , des frais fixes  et des frais reliés à l’intérêt  par le nombre de tonne que vous avez en entreposage et vous obtenez le coût à garder votre grain par tonne par mois.

Afin d’établir s’il est rentable ou non d’entreposer son grain après la récolte, nous  avons ensuite comparé deux modèles de coût d’entreposage pour voir l’impact qu’il pouvait avoir sur le prix des grains pendant l’année : à la ferme et à forfait.



Le premier était une ferme dont tous les silos et les équipements étaient payés (coût minimum d’entreposage). Le deuxième était un entreposage à forfait (coût maximum d’entreposage).

En incluant le paiement anticipé, pour 1000 tonne de maïs entreposé et en utilisant un taux d’intérêt annuel de 5%, on arrive à un coût mensuel total  pour l’entreposage de 0,64$ par tonne pour le modèle ferme et de 2,54$ par tonne pour le  modèle à forfait. De ces coûts, 0,34$ est relié à l’intérêt de garder ses grains et le reste est relié aux coûts fixes et variables des infrastructures et équipements d’entreposage.

Cela veut dire que, selon nos modèles,  si vous garder par exemple votre maïs jusqu’au mois de juin, il vous en coûtera respectivement 5$/TM  et 20$/TM par tonne. Il ne faut pas oublier que chaque ferme est un cas différent et que ces chiffres ne sont que des exemples. Mensuellement, voici maintenant ce que le coût d’entreposage cumulatif nous permet d’observer à la ferme et à forfait :



Les frais d’entreposages à la ferme nous permettent de conserver notre grain jusqu’à la prochaine récolte pour un coût maximum de 8 $/TM alors qu’à forfait celui-ci s’établit à 30$/TM. Il est par la suite intéressant de calculer les probabilités que l’entreposage de votre grain soit rentable année après année.

Rentabilité d’entreposer du maïs selon nos modèles de ferme de référence

Dans cet ordre d’idée, nous avons incorporé au prix de vente moyen mensuel du maïs des dernières années le coût d’entreposage des mois respectifs. Nous avons ensuite établi le pourcentage de fois que l’entreposage c’est avéré payant sur 5, 10 et 25 ans, c’est-à-dire qu’après avoir inclus notre coût d’entreposage, nous obtenions une valeur supérieur au prix de vendre à la récolte. Voici les résultats obtenus :


 

Au cours des 5 dernières années, un producteur qui entreposait à la ferme a profité de meilleurs prix 80% du temps entre janvier et septembre alors que ses chances étaient moins élevées peu de temps après la récolte.

Pour un producteur qui entreposait à forfait, en raison des coûts plus élevés d’entreposage, les chances qu’il profite de meilleurs prix ont été plus faible. À proprement parler, ce dernier avait 60% des chances d’avoir un meilleur prix entre mars et juillet. En dehors de cette période, les probabilités qu’il profite d’une hausse des prix grace à l’entreposage ont été en moyenne de 40%, soit moins de 1 fois sur 2 du temps. 



Sur 10 ans, un producteur qui entreposait à la ferme avait en moyenne 60% des chances de rentabiliser son entreposage, particulièrement aux mois de décembre, janvier, février et juin. Par contre, pour celui qui entreposait à forfait, la probabilité moyenne que se soit rentable baisse à 40% selon notre modèle de ferme. 

De manière générale, dans les deux cas, les chances de rentabiliser son entreposage diminuent avec le temps. Pour l’entreposage à forfait, les mois d’août et septembre sont particulièrement difficiles avec seulement 30% (3 années sur 10) de probabilités de rentabiliser l’entreposage.



Sur 25 ans, un producteur qui entrepose son maïs à la ferme a en moyenne 56% des chances de rentabilitser son investissement, les mois de décembre, janvier, février, juin et juillet offrant les meilleurs occasions de vendre. Pour le producteur qui entrepose à forfait, il a 40% des chances de profiter de meilleurs prix en entreposant.

Comme dans notre analyse sur 10 ans, plus le temps passe et moins il est généralement rentable d’entreposer. Pour celui qui entrepose à la ferme, le mois de mars semble un mauvais moment pour réaliser des ventes. Pour le producteur qui entrepose à forfait, se sont les mois de février, mars, août et septembre qui offrent le moins de chances de rentabiliser l’entreposage.

Conclusion

En ce basant sur nos deux modèles de ferme, entreposage à la ferme et à forfait, il nous a été possible de découvrir que l’entreposage du maïs peut être une stratégie de mise en marché intéressante, particulièrement depuis les 5 dernières années où les prix ont grimpé beaucoup après la récolte.

Par contre, à moyen et long terme (10 et 25 ans), cette approche de vente après la récolte devient plus risquée. En fait, on peut remarquer qu’avec le temps, les probabilités de rentabiliser son entreposage diminuent. À la ferme sur 5 ans, nous avons 80% des chances de vendre à profit alors que sur 10 ans, elles passent à 60% et sur 25 ans, à 56%. À forfait, nous obtenons quelques choses de sensiblement équivalent : 5 ans 49%, 10 ans 40% et 25 ans 40%.
Cette analyse permet également de remarquer l’écart qu’il existe entre un entreposage à la ferme, où tous les équipements sont payés, et à forfait, où les frais sont beaucoup plus élevés et permettent de rentabiliser beaucoup plus difficilement l’entreposage.

Il faut aussi noter que notre analyse ne fait qu’observer les probabilités de rentabiliser l’entreposage avec le prix moyen mensuel des dernières années. Par contre, il faut se rappeller qu’on ne réalise pas toujours des ventes dans cette moyenne. Les gains par rapport au prix à la récolte peuvrent être ainsi plus ou moins élevés selon nos aptitudes à vendre au bon moment.

On peut aussi noter en terminant que ce n’est pas généralement tout les mois de l’année qui sont les plus propices à vendre. Ainsi, peut importe qu’on entrepose à forfait ou à la ferme, le mois de mars et le mois d’août et septembre représentent des mois où les chances de rentabiliser son entreposage sont plus faibles.