Les prix des grains ont à nouveau progressé de manière intéressante aujourd'hui pour une deuxième journée consécutive cette semaine. Difficile cependant d'établir avec exactitude les raisons qui auront alimenté la poursuite de cette hausse des prix puisque plusieurs facteurs en seraient à l'origine:
- Amérique du Sud : Les différentes opinions et hypothèses concernant les averses dont profitent ou ont profité plusieurs régions affectées par la sècheresse sont nombreuses. Mais dans l'ensemble, la plupart des informations disponibles confirment qu'il y aurait eu trop peu d'averses enregistrées au cours de la fin de semaine. Par contre, celles-ci se seraient poursuivies depuis et des accumulations plus substantielles auraient été observées. En Argentine, certaines régions très asséchées auraient même profité d'averses allant jusqu'à 2 pouces accumulation.
Si ces averses seraient donc maintenant jugées assez importantes pour atténuer le stress hydrique sur les cultures en cours, il est généralement entendu que les pertes encourues dans celles de maïs seraient déjà irréversibles. Par contre, pour le soya, ces conditions plus humides arriveraient à point et pourraient limiter les dommages occasionnés par les températures chaudes et sèches des dernières semaines.
Sur cette base, le dynamisme qui aura caractérisé le comportement à la hausse du prix du soya depuis quelques jours aura donc cédé sa place à une relance plus marquée du prix du maïs alors que les prévisions de baisse de la récolte de maïs argentin abondent. Certains croient même que celle-ci pourrait être moindre que 19 millions de tonnes. La moyenne actuelle des dernières prévisions se situe cependant autour de 21-23 millions de tonnes. Pour sa part, le USDA avait établi dans son dernier rapport la récolte de maïs de l'Argentine à 26 millions de tonnes contre 29 millions de tonnes en décembre.
- Crise de la dette en Europe : Même si elle demeure toujours irrésolue et qu'elle inquiète toujours, la crise financière qui a ébranlé l'Europe au cours des derniers mois de 2011 semble être tombé dans l'oubli... Les problèmes de dette nationale de la Grèce menacent toujours, mais cette fois-ci, les marchés seraient plus confiants que l'Europe ne succombera pas à une crise financière. Reflétant cette situation, la valeur de l'euro a d'ailleurs amorcé une reprise depuis la mi-janvier qui concorde avec un affaiblissement de celle du dollar américain.
Contextuellement, alors que les marchés s'inquiètent du sort des cultures en Amérique du Sud et qu'ils envisagent pas conséquent une augmentation des exportations américaines de grains, la faiblesse du dollar américain constitue ainsi un élément d'autant favorable à un retour à la hausse des prix des grains.
** Rappelons qu'il est généralement entendu qu'un affaiblissement de la valeur du dollar américain fait en sorte qu'il en coûte moins cher aux pays qui désirent acheter et importer des grains en provenance des États-Unis.
- Comportement technique positif des grains : Depuis qu'ils ont atteint un creux avec la publication des derniers rapports du USDA du 12 janvier qui se seront révélés négatifs, les prix des grains auront pu profiter de certains facteurs (Amérique du Sud et signe de reprise de la demande) pour se stabiliser et progresser à la hausse. Cette situation leur aura permis, plus particulièrement dans les derniers jours, de projeter certains signaux techniques positifs (bris à la hausse de moyennes mobiles et de niveaux de résistances clés) qui auront amené plusieurs investisseurs et spéculateurs à s'y intéresser et prendre de nouvelles positions.
- Couverture de positions : Certains analystes mentionnent que plusieurs investisseurs et spéculateurs qui avaient misé sur une baisse des prix des grains dans les jours suivants la publication des rapports du USDA seraient maintenant contraints de couvrir leurs positions, supportant par la même occasion ceux-ci à la hausse. Cette situation serait particulièrement apparente du côté du blé.
- Le contexte du blé suscite certaines interrogations : Le prix du blé n'a pas eu les faveurs des marchés depuis longtemps puisque sa disponibilité importante dans le monde ne faisait aucun doute pour 2011-12. Par contre, depuis quelques jours, certains signaux mettraient un bémol à ce contexte.
La Russie aurait repris ses activités d'achat de blé pour reconstituer ses réserves domestiques. Une rumeur circulerait même à l'effet qu'une taxe à l'exportation sur le blé russe puisse être prochainement mise en place. De son côté, en raison d'un mauvais hiver, la récolte ukrainienne de blé d'hiver aurait été révisée de 56,7 à 46 millions de tonnes. Sans surprise, la valeur au comptant du blé en provenance de la Mer Noire serait donc à la hausse et rendrait par comparaison le blé de d'autres pays (États unis, Europe, Canada, Australie...) plus compétitif sur les marchés internationaux.
** Rappelons que la Russie a mis fin à son embargo d'un an sur toute exportation de grains russes en juillet dernier. Suivant la fin de celui-ci, la Russie avait alors rapidement inondé les marchés de blé à bon prix, rendant peu compétitifs sur l'échiquier mondial plusieurs pays exportateurs non seulement de blé, mais également de maïs.
Aux États-Unis, les conditions des cultures de blé d'hiver seraient toujours loin d'être exceptionnelles. Au Texas, 40% des cultures en cours seraient classés dans un état jugé de mauvais à très mauvais.
C'est donc face à cette panacée de nouveaux éléments stimulants pour les prix que ceux-ci ont tous ensemble poursuivi leur progression à la hausse à nouveau aujourd'hui. Il sera maintenant intéressant de connaître les résultats du prochain rapport hebdomadaire du USDA sur les ventes à l'exportation de grains américains qui sera publié ce jeudi. Car excluant l'effet «positif» des conditions météorologiques et de l'état des cultures en Amérique du Sud, tout tend à indiquer maintenant que nous pourrions aussi prochainement assister à une reprise bien distincte des ventes à l'exportation de grains américains. Et si ceci s'avère le cas, l'éventualité de voir la disponibilité de grains aux États-Unis s'amincir dangereusement dans les prochains mois pourrait alors supporter davantage à la hausse les prix des grains.