Sans contredit, le comportement des prix des grains est principalement dominé par un élément présentement: les conditions météorologiques aux États-Unis, mais également en Europe, en Chine et même au Canada. Et à ce titre, la réaction des marchés est très partagée comme le révèle les variations des prix pour la semaine dernière.
Maïs
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Soya
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Blé
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Brièvement, rappelons que depuis plusieurs semaines les conditions de début de saison demeurent difficiles dans plusieurs de ces régions. Aux États-Unis, les états les plus au nord et dans le « Midwest » sont aux prises avec des conditions très fraiches et humides qui ont retardé de manière importante le début des ensemencements de maïs américains. En date de dimanche 24 avril dernier, seulement 9% du maïs était d'ailleurs semé aux États-Unis, ce qui est très peu par comparaison à l'an dernier (46%) et la moyenne des 5 dernières années (23%).
Toujours aux États-Unis, mais plus au sud dans les « Plaines » américaines, les conditions sont à l'opposée de celles plus au nord avec des températures chaudes et anormalement sèches depuis plusieurs semaines. La situation est en fait assez inquiétante pour que des rumeurs circulent même de plus en plus à l'effet que certains producteurs américains abandonneront leurs cultures de blé d'hiver au pâturage ou pour du soya.
Grainwiz - Progression des ensemencements américains au 24 avril 2011
Le Bulletin des Agriculteurs - Sérieux retards aux États-Unis
Au Canada, il se sèmera (toutes variétés confondues) pour plus de 10 millions d'hectares de blé cette année selon Statistique Canada. Ceci représente une progression des superficies ensemencées de plus de 17% par rapport à 2010. Par contre, encore là, les conditions météorologiques des dernières semaines n'ont pas été au rendez-vous dans les « Prairies » canadiennes (Alberta, Saskatchewan et Manitoba) ce qui donne à penser que moins de blé que prévu pourrait être semé par les producteurs canadiens.
Grainwiz - Intentions d'ensemencements des producteurs canadiens pour 2011
En Europe, plusieurs pays, dont la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique ont aussi été frappés par des conditions sèches difficiles pour le début de saison des cultures. En France, la situation serait-elle que des pertes de 10-15% seraient appréhendés dans certaines régions.
La France Agricole - Le potentiel des cultures s'évapore
Le Figaro Blogue - La sécheresse gagne du terrain, les Français prêts à changer leurs habitudes...
Sommes toutes, les conditions météorologiques aux États-Unis et dans plusieurs régions du monde n'ont rien d'avantageuses et menaces donc les cultures. Ceci supporte et justifie que les prix des grains demeurent élevés. Cependant, il semble que ceux-ci éprouvent plusieurs difficultés à progresser davantage, ce qui s'explique mal comme le souligne dans un article paru sur le site d'Agriculture.com M. Ray Grabanski, président de Progressive Ag. :
« Considérant toutes les difficultés auxquels font face les cultures US 2011, il est surprenant que les grains (prix) n'aient pas progressé encore plus ce printemps. Après tout, c'est très différent de l'avancement des semis hâtifs de l'an dernier, et les marchés devraient être très sensibles aux difficultés rencontrées jusqu'à présent considérant les niveaux d'inventaires très serrés pour finir l'année et débuter la prochaine. Ceci donne à s'interroger sur ce qui peut bien empêcher les prix de grimper? »
Dans les faits, certains éléments peuvent toutefois expliquer quelque peu la prudence des marchés à faire grimper les prix présentement.
Comme l'a révélé le dernier rapport hebdomadaire sur les exportations et ventes à l'exportation du USDA publié jeudi dernier, un ralentissement de la demande semble de plus en plus apparent. Les ventes nettes américaines à l'exportation de maïs ne se sont établies qu'à 443 000 tonnes et celle de soya à 199 000 tonnes. Ceci constitue un recul important par rapport à la moyenne des dernières semaines. Et selon les informations disponibles, ce repli ne serait pas uniquement apparenté à la tendance saisonnière voulant que les exportations américaines baissent progressivement à partir de la fin de l'hiver. Dans les faits, d'autres éléments tendent à indiquer un recul de la demande de grains.
Du côté du maïs, les marges de profits des fabricants américains d'éthanol demeurent de moins en moins avantageuses. La consommation de maïs par le bétail aux États-Unis montrerait aussi certains premiers signes d'un ralentissement, ramenant à l'avant-plan l'idée que la hausse des prix des grains des derniers mois pourrait bel et bien porter préjudice aux producteurs de viandes.
Du côté du soya, les acheteurs chinois auraient annulé l'achat de 1 à 2 cargos de soya brésiliens la semaine dernière après en avoir déjà annulé plusieurs des États-Unis au cours des semaines précédentes. Les marges de profits des triturateurs américains seraient aussi sous pression, baissant à leur plus bas niveau depuis novembre 2008. Ceci donne même à penser à certains analystes qu'il pourrait finalement y avoir assez de soya pour répondre à la consommation domestique américaine d'ici la prochaine récolte.
Enfin, concrètement la semaine dernière, des prévisions météorologiques ont indiqué que des températures plus propices aux ensemencements américains pourraient permettre aux producteurs dans certaines régions du Midwest américain de rattraper le temps perdu cette semaine. Par la même occasion, d'autres prévisions météorologiques ont également révélé que des averses pourraient profiter à certaines régions asséchées des « Plaines » américaines, de la France et de la Chine.
Bien que dans l'ensemble, plusieurs analystes ont eu tôt fait de rappeler que ces améliorations météorologiques attendues représentaient restent maigres, les marchés ont eu tôt fait d'y réagir vivement comme le veut le comportement typique d'un marché de « météo ».
Sur ces bases, à quoi s'attendre cette semaine pour les prix des grains? Malgré le contexte fondamental qui justifie toujours que les prix des grains demeurent élevés, il semble bien que les marchés aient plutôt décidé qu'il leur en faudra un peu plus pour faire progresser davantage les prix.
À l'image de leur comportement de la semaine dernière, il faut donc prévoir que les prix pourraient vivement réagir négativement au moindre signe d'une amélioration des conditions météorologiques. À l'inverse, si celles-ci s'avèrent toujours mauvaises pour les cultures, les prix des grains pourraient progresser. Toutefois, cette progression sera freinée par les incertitudes des marchés à savoir si la demande de grains n'est pas sur le point de ralentir.
Pour que les prix prennent définitivement le chemin de la hausse, il faudra encore attendre jusqu'à la mi-mai. C'est à partir de cette période que, si les conditions de semis demeurent difficiles aux États-Unis, on parlera alors de baisse de rendement et de changement d'intention de semi du maïs au soya ce qui, invariablement, jettera un doute important à savoir s'il y aura alors assez de maïs pour répondre à la demande de 2011-12.
Mais, en attendant, mentionnons que de plus en plus d'analystes estiment que les prix des grains pourraient avoir atteint leur valeur maximale pour cette période-ci de l'année. À cet effet, certains rappellent par la même occasion qu'il faudrait qu'au minimum 30% de la prochaine récolte soit déjà vendue.