Nouvelles Philip Shaw

Faire face à une « incertitude certaine » à l’approche des semis

23 avril 2025, Philip Shaw

Au Québec et en Ontario, c’est cette période de l’année où l’on commence à semer le maïs. Ajoutez à cela un peu de beau temps et des températures agréables, et cela fait du bien au moral. C’est toujours agréable d’appuyer sur le bouton de guidage automatique, car semer 100 acres est parfois bien plus facile que d’y penser et de s’y préparer.

Cela marquera également un nouveau chapitre pour les marchés agricoles. Chaque fois que les semoirs sont dans les champs, il faut composer avec un risque accru. Ce risque s’inscrit souvent dans une réalité saisonnière où les prix sont généralement meilleurs en juin et juillet. Bien sûr, ce printemps a été marqué par des bouleversements géopolitiques, ce qui a mené à des perspectives plutôt pessimistes. Mais peut-être, juste peut-être, allons-nous éviter certains des scénarios les plus sombres.

À titre d’exemple, la Banque du Canada a récemment annoncé qu’elle maintenait son taux directeur à 2,75 %, qui sert de référence pour l’ensemble des taux d’intérêt au pays. La banque a choisi de maintenir le cap tout en reconnaissant l’incertitude qui règne dans l’économie canadienne. En fait, elle a présenté deux scénarios dans son rapport de politique monétaire d’avril. Dans le premier, les droits de douane restaient limités et l’inflation se maintenait autour de 2 %. Dans le second, les droits de douane étaient plus élevés et une guerre commerciale prolongée faisait entrer l’économie canadienne en récession, poussant l’inflation à 3 %. Clairement, la route qui nous attend est loin d’être linéaire.

Dans les jours précédant cette annonce, je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. Il m’était évident que l’« incertitude certaine » que nous vivons nuirait à l’économie canadienne. De plus, j’ai vu les dernières rumeurs sur les droits de douane comme étant hautement inflationnistes, ce qui, en théorie, aurait dû mener à une hausse des taux d’intérêt. Le maintien du taux à 2,75 % m’a donc surpris.

Pendant ce temps, nous avons observé une baisse marquée de la valeur du dollar américain. Depuis le début février, l’indice du dollar US a chuté d’environ 10 points. À l’inverse, le dollar canadien a suivi une tendance opposée, gagnant environ 0,03 $ US au cours des six dernières semaines.

Cela est significatif à plusieurs égards. Par exemple, la baisse du dollar américain est généralement favorable aux prix à la bourse, en particulier pour le blé. Malheureusement, lorsque le dollar américain baisse et que le dollar canadien monte, cela nuit aux prix du grain en Ontario et au Québec. Cela dit, ce tracteur à un demi-million de dollars que vous convoitez pourrait être un peu moins cher !

Je plaisante à moitié avec ce dernier commentaire, car nous savons tous à quel point les prix ont augmenté ces dernières années. Toutefois, en tant que producteurs agricoles du Québec et de l’Ontario, nous devons garder en tête à quel point les taux de change influencent non seulement les prix que nous recevons pour nos récoltes, mais aussi le coût des intrants nécessaires à leur production. Ce mouvement n’avait pas du tout été prévu, mais si la faiblesse du dollar américain persiste et que le huard canadien continue de se renforcer, cela change complètement la donne pour les projections des prix comptants du grain en Ontario et au Québec.

C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si précieux d’avoir des ordres de vente en place avec votre négociant ou acheteur de grains. Je n’ai jamais prétendu que ma stratégie de commercialisation de grain devait servir d’exemple, mais j’ai récemment eu un ordre de vente exécuté grâce à un taux de change de 0,69 $ CA et à une flambée des prix du maïs à la bourse. En regardant vers l’avant, si, contre toute attente, le dollar atteint 0,82 $ US cet automne, les occasions de bons prix comptants au Québec et en Ontario auront disparu depuis longtemps. En fin de compte, personne ne sait ce que l’avenir réserve, mais lorsque des occasions se présentent — que ce soit en raison des taux de change ou des prix à la bourse —, il faut savoir les saisir.

De toute évidence, 2025 sera une année difficile, surtout en cultivant dans un contexte de guerre commerciale et d’« incertitude certaine ». Cela dit, les prix comptants du maïs et du soya de la vieille récolte étaient respectivement de 6,18 $CAN/bo. et 13,40 $CAN/bo. au 17 avril. Ces prix ne sont peut-être pas aussi élevés que ceux des dernières années, mais nous sommes encore loin de l’impasse économique. Certes, le blé se vend un peu plus de 6,40 $CAN/bo., mais faisons abstraction de cela un instant. Peut-être que la situation ne sera pas aussi grave que je l’avais prédit au départ dans ce contexte économique très particulier.

En fin de compte, j’espère des jours meilleurs. Nous appuierons tous bientôt sur ce bouton de guidage automatique. Le moment est venu. Pas de tempêtes solaires, s’il vous plaît. Les risques sont nombreux, certes, mais ce n’est rien que nous n’ayons déjà affronté. Espérons tous des jours meilleurs et une saison de semis sécuritaire.


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