Les prix des grains ont clôturé la journée de manière divergente, reflétant le contexte plus négatif à court terme (ralentissement de la consommation de grains appréhendé) et plus stimulant à long terme (retard inquiétant des ensemencements aux États-Unis et temps sec en France et en Allemagne). Ainsi, les prix pour livraison immédiate se sont quelque peu repliés dans l'ensemble alors que ceux pour prochaine récolte ont progressé.
Le marché du blé continue d'être celui qui canalise le plus l'attention des marchés. Selon le dernier rapport sur l'état des cultures et la progression des ensemencements aux États-Unis, le blé d'hiver serait toujours dans un mauvais état, les conditions de 38% des cultures étant classées de mauvais à très mauvais. Malgré quelques averses rapportées au cours des dernières semaines et d'autres prévues pour les prochains jours dans les « Plaines » américaines, plusieurs analystes jugent pour l'instant que ces précipitations ont été et seront trop faibles pour pallier aux conditions sèches des dernières semaines.
Et les États-Unis ne sont pas en reste. Plusieurs régions en Europe (France et Allemagne) feraient également face à des conditions de plus en plus sèches pour les cultures de blé, ce qui accentue d'autant les inquiétudes des marchés à l'égard du blé.
Aux États-Unis, les conditions de début de saison pour le maïs ne sont pas reluisantes non plus. Selon le USDA, seulement 7% des semis de maïs sont complétés aux États-Unis. Ceci représente un important recul par rapport à l'an dernier alors que, à pareille date, 16% du maïs américain était semé. Par contre, pour l'instant, la progression des semis américains demeure acceptable puisqu'elle se compare à la moyenne des 5 dernières années de 8%. Mais la situation pourrait rapidement se détériorer si les conditions météorologiques ne s'améliorent pas au cours des 2 prochaines semaines, ce que laissent entendre les dernières prévisions.
Le comportement des prix des grains s'apparente ainsi de plus en plus à celui typique d'un « marché de météo ». Et comme le l'indique les propos d'un négociant sur le parquet de la Bourse de Chicago sur le site de Agriculture.com, basé sur ce type de marché il devient difficile d'anticiper la direction que peuvent prendre les prix :
« Il y a aussi des craintes que les conditions météorologiques puissent changer. Trois jours sont une longue période pour attendre les prochaines prévisions. (le négociant fait ici référence au congé de Pâque de vendredi prochain) Les trois prochaines semaines sont les plus cruciales et, si les conditions humides persistent, à quoi s'attendre comme rendement? »
Cette opinion est d'ailleurs partagée par plusieurs analystes comme M. David Fiala, analyste contributeur chez DTN et président de Futures One :
« On s'attend à ce que les températures humides se poursuivent sur l'ensemble du « Corn Belt » cette semaine, ce qui devrait élucider l'idée que les données (sur la progression des semis américains du USDA) de lundi prochain seront de plus de 1% moindre que la moyenne de progression normale des semis. Ceci devrait limiter l'intérêt (des marchés) à vendre à court terme, mais le potentiel de rendement restera élevé temps et aussi longtemps que la plupart des semis seront complétés d'ici 3 à 4 semaines. »
Il faut donc s'attendre à ce que, selon les aléas de dame nature, les prix des grains puissent fluctuer de manière importante et imprévisible au cours des prochaines semaines, et particulièrement ceux de la prochaine récolte. Par contre, pour les prix pour livraison immédiate (mai 11), la situation s'annonce quelque peu moins optimiste :
La Chine a notamment confirmé que, en dehors de son usage pour la fabrication de moulée, elle allait limiter sa consommation domestique de maïs afin d'en assurer sa disponibilité pour nourrir le bétail et contrôler les prix d'ici à ce que la prochaine récolte ait lieu. Malgré de nombreuses mesures adoptées afin de contrôler l'inflation du prix du maïs sur les marchés locaux, la valeur du maïs aurait grimpé de 17% depuis octobre en Chine.
Toujours du côté de la Chine, le pays aurait annulé l'achat de 6-8 cargos de soya sud-américain et reporté la livraison de 20 autres cargos au mois de septembre prochain. Ces mesures surviendraient alors que les triturateurs de soya chinois seraient aux prises avec des marges des profits négatives présentement.
Ces nouvelles en provenance de la Chine corroborent ainsi l'idée qui circule depuis quelque temps qu'un ralentissement de la demande de grains au cours des prochaines semaines pourrait avoir lieu, ce qui n'augure rien de bon pour les prix immédiats des grains.
Les marchés seront aussi fermés ce vendredi et certains analystes croient que des prises de profits en prévision de la longue fin de semaine pourraient avoir lieu au cours des prochains jours.
Sur une note plus encourageante, dans un commentaire publié par le Dow Jones Newswire, l'analyste Erin FitzPatrick de Rabobank estime que les prix des grains devraient demeurer élevés au cours des prochains mois :
« Les États-Unis n'ont pas assez de superficies pour produire des productions records de maïs, blé et soya dont nous avons besoin. Nous n'assisterons pas à une baisse des prix de la même manière que ce qui avait suivi le rallie qui avait eu lieu en 2007-08. »
Pour accéder à un survol du rapport sur la progression des ensemencements aux États-Unis : Progression des ensemencements américains au 17 avril 2011
Pour obtenir le rapport hebdomadaire complet du USDA sur la progression des ensemencements américains (en anglais) : Crop Progress