Le tremblement de terre de 8.9 sur l'échelle de Richter qui a eu lieu la nuit dernière au Japon a eu un effet très négatif non seulement sur les prix des grains, mais sur l'ensemble des marchés financiers qui était déjà en très mauvaise posture depuis quelques jours.
Pour résumer la mauvaise semaine qui tire à sa fin, mentionnons que plusieurs éléments ont vu le jour qui sont tous venus freiner et faire reculer les prix des grains :
Certains signaux avant-coureurs à l'idée que la demande (consommation) de grains soit sur le point de ralentir sont de plus en plus appréhendés. Les ventes à l'exportation de maïs qu'a rapporté pour la semaine dernière le USDA ont d'ailleurs été décevantes avec seulement 477 169 tonnes pour livraison cette année.
Le sentiment général des marchés financiers dans leur ensemble en est à changer de cap, passant d'optimiste (« bullish ») à progressivement pessimiste (« bearish »). Autant les prix des grains ont-ils pu profiter des faveurs des marchés optimistes au cours des derniers mois pour alimenter leur progression importante, autant sont-ils maintenant écrasés par leur retrait massif. Et ils ne sont pas en reste puisque les prix de plusieurs autres commodités non agricoles ainsi que les marchés boursiers ont aussi subi les effets de ce changement « d'humeur » des marchés financiers.
Les révoltes populaires au Moyen-Orient et en Afrique continuent de s'étendre (Arabie Saoudite) et de s'aggraver dans certains cas (Lybie) et les marchés sont de plus en plus nerveux à cet égard. L'idée générale qui circule est que si cette situation se dégrade davantage, le prix du pétrole pourrait bondir et faire ralentir l'économie mondiale, ce qui affecterait aussi éventuellement la consommation de grains.
La Chine serait toujours aux prises avec de nombreuses difficultés à contrôler la surchauffe de son économie et la pression inflationniste qui se fait sentir sur les prix, incluant ceux des aliments. Plusieurs craignent que la Chine puisse à nouveau prendre des mesures en vue de contrôler cette situation. Rappelons que le pays a déjà tenté à plusieurs reprises de le faire en augmentant le taux de réserve des banques chinoises et son taux d'intérêt directeur. Cette situation inquiète certains analystes qui y voient là un signe que tôt ou tard, les importations chinoises de grains pourraient n'avoir d'autres choix que de ralentir réellement, ce qui n'a pas été encore le cas jusqu'à ce jour.
Le dernier rapport mensuel du USDA, présenté le jeudi 10 mars dernier, n'a rien proposé comme résultats qui pourraient supporter une nouvelle hausse intéressante des prix des grains. Dans une certaine mesure, il en aura même déçu plus d'un puisque le USDA n'a sommes toutes apporté que très peu de changements par rapport à son rapport mensuel du mois de février dernier.
Les craintes entourant la production de blé d'hiver américain, qui était menacée par des conditions sèches jusqu'à dernièrement, en sont à ce résorber alors que des conditions plus humides ont été rapportées depuis quelques jours.
Malgré les difficultés de récoltes et de manutention des grains des dernières semaines au Brésil en raison des conditions humides, plusieurs firmes spécialisées continuent de signaler que la production de soya brésilien devrait être plus importante que certains le prévoyaient. Comme l'a révélé le dernier rapport mensuel du USDA, la production de maïs ne serait pas en reste et pourrait être aussi plus considérable que prévu.
Techniquement, écrasés par ces nombreux facteurs décourageants, plusieurs signaux techniques négatifs ont vu le jour tout au long de la semaine sur les graphiques des prix des grains, ce qui a incité davantage les investisseurs et spéculateurs à liquider leurs positions et se retirer. Ainsi, tout au long de la semaine, différents niveaux de support importants ont été brisés. Vendredi, en réaction au tremblement de terre au Japon et à la liquidation massive des marchés financiers qui s'en est suivie, des tendances haussières en place depuis plusieurs mois ont aussi été distinctement brisées du côté du maïs et soya, signe très négatif.
Le tremblement de terre au Japon de la nuit dernière n'aura ainsi été en quelque sorte que le dernier clou au cercueil pour les prix des grains cette semaine. Le Japon étant un important importateur de grains, la plupart des analystes s'accordent à dire qu'à court terme, il pourrait y avoir un ralentissement non négligeable de ce côté. Ceci est sans compter les nombreuses difficultés qui seront rencontrées à ce que le grain déjà acheté soit livré et déchargé dans les installations portuaires japonaises. À plus long terme, les avis sont plus partagés. Plusieurs croient cependant que le Japon pourrait importer davantage de grains pour renflouer les pertes encourues par les dommages qu'aura occasionnés le tremblement de terre. Mais les marchés financiers ne se concentrent pour l'instant que sur le court terme et liquident leurs positions.
La question reste à savoir maintenant jusqu'où les prix des grains pourraient reculer au cours des prochains jours/semaines?
À ce titre, les opinions des analystes abondent et divergent. Certains rappellent que, considérant l'état de l'offre et la demande de grain toujours précaire pour cette année ainsi que les incertitudes entourant la prochaine saison de culture aux États-Unis, les prix des grains ne peuvent se permettre de reculer de manière importante. Dans ce même ordre de pensée, d'autres signalent aussi que la baisse en cours aura tôt fait d'inciter les acheteurs à sécuriser de nouveaux contrats en vue d'une nouvelle hausse et que ce recul repousse aussi la possibilité d'un rationnement de la demande.
Sur une note moins optimiste, des analystes mentionnent cependant que les prix des grains pourraient avoir atteint leur sommet pour l'année en cours alors que les inventaires mondiaux pourraient être plus abondants que ce qui était prévu. C'est ce que croient d'ailleurs les analystes chez Goldman Sachs Group Inc. qui estiment que les prix des grains ne devraient que très peu progresser au cours de la prochaine année par rapport à leur niveau actuel.
Bloomberg - Wheat Peaking in Goldman Sachs Forecast as Inventory Larger Than Estimated
Dans tous les cas, pour le moment, un vent de panique souffle sur l'ensemble des marchés financiers et, comme il se doit, le seul objectif des investisseurs et spéculateurs est de liquider des positions dans l'immédiat. Il reste donc téméraire de statuer sur l'étendue de la baisse en cours.
Il faut plutôt concentrer son attention en premier lieu sur la suite des événements et tenter d'établir si la baisse des prix se poursuivra ou non. À ce niveau, l'issue de la première manifestation populaire officielle en Arabie Saoudite (« The day of rage ») est particulièrement à surveiller au cours de la fin de semaine. Si elle s'aggrave, les marchés financiers auront tôt fait de poursuivre leurs liquidations au cours de la prochaine semaine. Bien entendu, l'étendue des dommages qu'aura occasionné le tremblement de terre au Japon et les tsunamis qu'il a généré doit aussi être gardée à l'œil. Plus ceux-ci seront importants, plus les marchés s'inquiéteront à court terme de leurs effets sur les importations japonaises de grains, et plus les prix pourraient subir des effets négatifs de ce malheureux événement.