Nouvelles Philip Shaw

La colère et les changements politiques ne réduiront pas les gaz émis par les engrais

05 septembre 2022, Philip Shaw

L'été aride se poursuit ici dans le sud-ouest de l'Ontario. Cependant, je comprends que les conditions météorologiques pour les récoltes ont été bien meilleures dans une grande partie du Québec. Inutile de dire que pour la culture du maïs, les rendements seront en baisse dans le sud-ouest de l'Ontario. L'Est de l'Ontario et le Québec pourront sûrement compenser.

Ce sont les risques que vous prenez en agriculture, car en fonction de la météo, parfois vous gagnez et parfois vous perdez. Bien sûr, dans notre société moderne, un récit est que le changement climatique rend le monde beaucoup plus chaud. Je suis un grand partisan de la science du changement climatique, mais je m'irrite souvent contre les journalistes qui parlent généreusement du changement climatique. Il est difficile de discuter avec la science du changement climatique, mais en même temps, nous devons être pratiques sur les moyens concrets de gérer les changements dont nous avons besoin en tant que société mondiale.

De plus en plus, la grogne monte chez certains agriculteurs concernant le plan du gouvernement fédéral visant à réduire les émissions provenant de l'utilisation d'engrais au Canada. Tout découle d'un rapport du gouvernement fédéral publié en décembre 2020 lorsque le gouvernement a annoncé son plan climatique renforcé, « Environnement sain et économie saine ». À l'époque, ils appelaient à une réduction des niveaux absolus d'émissions de gaz à effet de serre résultant de l'application d'engrais de 30 % sous les niveaux de 2020 d'ici 2030. Selon ce plan, 10 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada ou 73 millions de tonnes de CO2 en 2019 provenaient de trois principales sources : la fermentation entérique (24 millions de tonnes de CO2), la production végétale (24 millions de tonnes de CO2) et l’utilisation de carburant à la ferme (14 millions de tonnes de CO2). Les émissions des engrais synthétiques représentaient 12,75 millions de tonnes de CO2.

Le gouvernement est très clair dans son rapport. Il précise que son plan n'est pas obligatoire, car il y aura de nombreuses difficultés pour y parvenir partout au Canada. Cependant, même si ce n'est pas obligatoire, il dit qu'il est essentiel que nous atteignions cet objectif et que cela peut se faire principalement grâce à une meilleure gestion des engrais. Il présente toutes sortes de statistiques gouvernementales qui reflètent l'augmentation de l'application d'engrais synthétiques au fil du temps.

Les variations régionales sont assez frappantes. Par exemple, les émissions de nitrates sont beaucoup plus faibles dans l'ouest du Canada que dans l'est du Canada en raison de notre climat plus humide et des taux d'azote plus élevés, en particulier pour le maïs. Cependant, même si les taux d'azote sont plus faibles dans l'Ouest canadien, il y a des superficies beaucoup plus grandes, ce qui signifie qu'il y a plus d'émissions d'azote dans cette région. Inutile de dire que d'ici 2030, le gouvernement espère réduire ces émissions partout au Canada de 30 %.

Je suis ici pour vous dire que nous pouvons le faire. Je me rends compte qu'il y a beaucoup d'agriculteurs en colère qui ne ressentent pas la même chose, surtout dans un environnement de 2022 où le même gouvernement fédéral a injustement imposé des droits de douane de 35 % sur des prix déjà doublés de l'azote. Il n'y avait rien de juste là-dedans, car les exportateurs russes ne sont pas touchés, mais les agriculteurs canadiens le sont, et l'impact s'est chiffré à des dizaines de millions de dollars dans tout l'Ontario. Ceci dit, nous ne pouvons pas être ignorants à ce qui est proposé comme si cela pouvait être changé facilement. Il n'y aura pas d'autre élection fédérale avant plus de trois ans et même s'il y avait un changement à ce moment-là, la réduction de 30 % des niveaux de gaz à effet de serre d'ici 2030 se maintiendrait probablement. Je pense que nous sommes délirants si nous pensons que le changement politique est la réponse du moment.

Dans le rapport du gouvernement, l'approche de gestion des éléments nutritifs 4R qui a été élaborée par Fertilisants Canada est présentée comme un moyen d'atteindre ces réductions d'émissions. Pour fin de rappel, les 4R c'est la bonne source d'engrais, au bon taux, au bon moment et au bon endroit. Cela s'est fait volontairement en Ontario ces derniers temps, mais il n'y a pas eu de mouvement en ce sens dans l'Ouest canadien. Ceci, et quelques autres exemples d’actes du gouvernement contribueront à réduire les émissions d'engrais d'ici 2030.

Il pourrait également y avoir des moyens plus innovants de réduire les émissions d'engrais. Par exemple, au cours des 35 dernières années, j'ai écrit sur la révolution de la biotechnologie agricole. Cependant, cela a essentiellement eu pour effet de vendre beaucoup plus d'herbicides aux entreprises agricoles. Nous avons également bouclé la boucle dans une certaine mesure, là où il y a eu une utilisation accrue de pesticides en raison de la résistance qui s'est développée chez certains ravageurs. Mais l’idée de parvenir à réduire l'utilisation d'engrais en augmentant leur efficacité n’a pas été mise de l’avant. Pouvez-vous imaginer une innovation biotechnologique agricole qui rendrait les engrais de 30 à 50 % plus efficaces à tous les niveaux ? Il n'y a jamais eu d'accent là-dessus, mais en 2022, il devrait y en avoir.

Y parvenir ne sera pas facile, car vous pouvez imaginer la résistance qu'il peut y avoir à la réduction légitime de l'utilisation d'engrais grâce à la biotechnologie agricole. C'est ce qui est arrivé avec les fabricants d'herbicides. Nous avons également une rhétorique politique acerbe de la part de la communauté agricole qui doit être prise en compte. Être en colère ne nous mènera nulle part. Être pratique à ce sujet et utiliser des méthodes concrètes pour y parvenir peut cependant faire la différence.


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