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Bayer, Monsanto, Potash Corp et Agrium : l’art d’être pragmatique

19 septembre 2016, Philip Shaw

 

Quelle semaine! Tout d’abord, la Potash Corporation of Saskatchewan et la société Agrium de Calgary ont annoncé leur fusion. Puis il y a eu la plus gigantesque des ententes entre fournisseurs agricoles lorsque Bayer a acheté Monsanto. Ce que j’en dis : si vous être agriculteur, surveillez votre portefeuille…

Je vous taquine. Je suis un pragmatiste. Nous, agriculteurs, trouverons le moyen de survivre malgré ce qui semble être l’alliance classique d’oligopoles concurrents pour contrôler de manière encore plus serrée l’industrie des intrants à la ferme. Je n’ai jamais apprécié ce type de situation. Toutefois, je ne commande pas le monde des finances et voilà un bon exemple du marché libre à l’œuvre. Avec un peu de chance, l’innovation n’en mourra pas.

La Potash Corporation et la société Agrium ont réuni un réseau de distribution et des mines d’engrais en Saskatchewan et ailleurs. Selon un reportage de la CBC, la nouvelle entreprise serait le plus important producteur de potasse au monde et le deuxième plus important producteur d’engrais azoté, ayant des activités dans 18 pays et employant plus de 20 000 personnes à l’échelle internationale.

Le rachat de Monsanto par Bayer met fin à une compagnie qui a grandement redéfini le paysage agricole. En d’autres mots, nous n’aurons plus Monsanto à blâmer. Ensemble, les deux entreprises auront maintenant la capacité de refaçonner le secteur des semences et des pesticides valorisé à 100 milliards de dollars. Il sera intrigant de voir la suite des événements. Nous avons déjà eu la technologie Liberty Link de Bayer pour contrer les mauvaises herbes résistantes au glyphosate. Puis Monsanto a créé le système Xtend pour répondre au défi posé par Liberty Link. Maintenant, ils ne formeront plus qu’une grande famille. Mais je n’entends pas encore de chants de réjouissance dans les campagnes. 

Pour ce qui est de Monsanto, ça n’a jamais au grand jamais fait de sens à mes yeux. Bien entendu, j’étais heureux d’avoir recours au Roundup, mais lorsqu’il a été commercialisé pour la première fois dans les années 70, il en coûtait 50 $ l’acre, on le pulvérisait donc de façon modérée. Avec la venue de la biotechnologie, les cultures Roundup Ready ont envahi le marché dans le seul intérêt de faire acheter encore plus d’herbicide. Les ventes de Roundup ont été élevées au fil des années, aidées à un certain moment par un environnement réglementaire jamais vu auparavant. Les agriculteurs devaient signer des ententes d’utilisation de technologie avant de pouvoir se procurer les semences. Les représentants de Monsanto affirmaient que le Roundup serait tout ce dont nous aurions besoin désormais. Des années plus tard, nous sommes aux prises avec toutes sortes de super mauvaises herbes résistantes au glyphosate. La pulvérisation « traditionnelle » des cultures avec divers modes d’action fait un grand retour.

Fait intéressant, j’ai reçu une lettre des plus étranges le 27 juin dernier de la part d’un certain Micheil De Jongh, président et directeur général de Monsanto Canada. Dans sa lettre, M. De Jongh écrit : « Nous avons beaucoup entendu de rhétorique basée sur la peur au sujet des pratiques agricoles et de la résistance au Canada. Nous aurions dû réagir dès le départ. Lorsque vous (agriculteurs) avez commencé à combattre la résistance aux herbicides, nous aurions dû vous épauler. Au lieu de cela, la peur s’est répandue. »

C’était vraiment une des plus étranges lettres que j’aie jamais reçues d’une grande entreprise qui n’avait pas à se justifier. Ce qui était d’autant plus étonnant, c’était l’admission des faiblesses à l’aube du rachat de Bayer. Autrement dit, Monsanto était brûlée, son modèle avait été rejeté. Comme l’a mentionné mon ami Twitter Sylvain Charlebois, doyen de la Faculté de gestion de l’Université Dalhousie à Halifax, dans son commentaire dans le Globe and Mail : « Disparition de Monsanto, ou l’heure de la conversation rationnelle à propos de la biotechnologie. […] L’entreprise a cru, parce que la science était de son côté, ne pas devoir répondre aux préoccupations soulevées par des études qu’elle considérait comme erronées. Pourtant, les adversaires du modèle opérationnel de Monsanto ont réussi à exploiter le fait que la confiance, la règle d’or dans la communication des risques, a plus de valeur que la science. » (traduction libre)

C’est ce qui a coûté son existence à Monsanto, avalée par un concurrent. La nouvelle entreprise rejoint le club exclusif de l’oligopole, qui compte aussi Potash Corp/Agrium, au service de l’industrie agricole. Qui profitera de la valorisation et des bénéfices : l’agriculture ou ces fameux oligopoles? Ça reste à voir. Tout n’est pas encore joué; il demeure quelques obstacles réglementaires à franchir. Il y a fort à parier que ces questions leur seront posées.

 

 

 


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